Je suis retombé récemment sur Roadgame, de Kavinsky.
Roadgame – Kavinsky
Après quelques notes, j’ai senti que ce morceau me donnerait envie d’écrire. Kavinsky compose une musique très cinématographique ; difficile de ne pas y coller des images, des sensations, ou des histoires entières.
Je l’ai écouté, ce Roadgame. J’ai même jeté des idées, comme ça, dans un coin. Elles me semblaient suffisantes. Je me disais que je finirais bien par en tirer un texte, un récit à raconter.
Seulement voilà : il y a trop de choses dans Roadgame. Un film entier en moins de quatre minutes.
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La déchirure, d’abord. Persistante, permanente. L’image de quelqu’un qui déchiquète des photos, des lettres, des dessins. Les feuilles qu’on arrache d’un cahier pour leur faire payer ce qui nous a été fait.
La haine ensuite. La haine et la peine, la solitude de celui auquel on enlève tout avec violence. Cette idée que, même s’il n’y a personne dans la forêt pour entendre un arbre s’effondrer, ça ne l’empêche pas de mourir. Il est à terre, et il n’y a personne pour le relever.
Et puis la lacération. De beaux entrelacs rouges, des circonvolutions, des motifs pourpres et délicats qui semblent tracer seuls leurs sillons sur la peau avant de laisser place à une rage désordonnée, une folie destructrice qui remplace la grâce de la lame par la brutalité de l’acier. Le sang qui cesse de couler pour gicler, pour jaillir sans but car de toute façon plus rien n’a de sens. La douleur du corps qui tue celle de l’âme et qui anesthésie totalement.
Enfin… enfin il y a la rédemption. La renaissance. Ce moment étrange durant lequel le temps s’arrête mais où la réalité nous rattrape – quand la beauté de la vie redevient visible, quand on la comprend à nouveau. Se relever, vaincre ce qui nous détruisait quelques instants auparavant. Trouver des forces dans l’orgueil, dans la fierté, et pourquoi pas dans le regard de certains autres. Se battre au lieu de subir, rendre les coups plutôt que de les encaisser. Cesser de se détester pour enfin avancer.
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Il y a tout cela dans Roadgame, et plein d’autres images aussi. Des fuites, des poursuites, de la grandiloquence, du romantisme et même de la beauté.
Et puis toujours, toujours cette rage et cette violence discrète. Cette douleur lancinante qui s’acharne sur l’âme. Qui la taille jusqu’à ce qu’elle n’en puisse plus, jusqu’à ce qu’elle dise stop et finalement s’oppose. Vengeresse ou au contraire apaisée.
On ne saura jamais.