Raconte-moi… “Samskeyti”, de Sigur Rós

SamskeytiSigur Rós

a

Assis sur le rivage, il contemple la Lune et s’y perd.

Le temps n’existe plus.
Le temps n’existe pas.
Le bruit des vagues a depuis longtemps cédé la place à ces notes qui tournent en boucle, sans que jamais il ne les arrête. Samskeyti, de Sigur Rós.

C’est le passé qui l’assaille, qui l’entoure. Qui l’étreint. Comme une mâchoire qui l’attrape pour l’emmener au loin, parmi les souvenirs.
Rien que les souvenirs.

Il pense à elle.

a

Il ne sait plus quand il l’a vue pour la dernière fois. Il y a cinq ans… ou bien deux jours, peut-être ?
Le temps n’existe pas.
C’est hier qu’ils se sont embrassés pour la dernière fois. Hier. Il y a une éternité.
Il se souvient de leur premier baiser. Le temps n’existait plus.

Les lèvres douces. La peau, ferme sous ses doigts. La langue joueuse. Et ce sourire.
Ce sourire espiègle. Malicieux. Mutin. L’envie qui en émanait.

Et les taches de rousseur, les taches de rousseur constellant un visage déjà si lumineux.

a
Ils se comprenaient, tous les deux. Mieux que quiconque. Mais ils devaient rester loin l’un de l’autre, séparés par l’interdit.

Leurs seuls moments ensemble, ils les volaient. Ils les volaient aux gens, ils les volaient au monde. Ils les volaient au temps lui-même, criant à l’univers qu’ils n’y avaient qu’eux qui décidaient, et qu’eux aussi pouvaient choisir.
Ce qui était faux.

Mais il fallait se voir. Il leur fallait trouver des instants à eux, s’offrir au moins ça. Le plus souvent possible, le plus longtemps possible. Le plus fort possible, car ce serait toujours trop court.
Jamais assez, car jamais de toujours.

Ce qu’il y avait entre eux était immense, mais ils le taisaient. Ils ressentaient, ils savaient. Parler c’est rendre tangible, et ils n’avaient pas le droit d’exister. Pas ensemble.

Mais ils ne pouvaient pas s’en empêcher. Et ils ne le voulaient pas.

a

La Lune décline dans le ciel, laissant son royaume mourir sous les rayons du Soleil. Lentement, il sort de sa torpeur. Il partirait bien avec elle.
Le son des vagues se rappelle à lui, remous cyclique et immuable, à peine perturbé par le crissement du sable sur lequel on marche. Quelqu’un approche.

Serait-ce possible… ?